Vous vous étiez tranquillement préparé à la fin du monde en
aménageant un abri antiatomique et en faisant un stock de pastilles d'iode ?
Pas de chance, vous avez misé sur le mauvais cheval. Contre toute attente, ce
n'est pas l'exploitation anarchique de l'énergie nucléaire qui va causer la
perte de l'humanité, mais bien une maladie pas très ragoutante. Vous n'avez pas
pu y échapper, cette épidémie a déjà touché de plein fouet le cinéma, les
comics, les séries télévisées et les jeux vidéo. Ces derniers nous proposent
généralement de dégommer des infectés assoiffés de sang et, à de rares
exceptions près, font peu de cas du sort des survivants. The Last of Us prend
le contre-pied de cette habitude et s'adresse directement à l'affect des
joueurs à travers une aventure particulièrement poignante.
Naugthy Dog s'est fait connaître avec des séries telles que
les Crash Bandicoot ou les Jak and Daxter, mais aujourd'hui, c'est surtout la
licence Uncharted qui fait la fierté du studio. C'est en effet à travers les
aventures de Nathan Drake que les développeurs ont pu nous en mettre plein la
vue. Ils ont ainsi prouvé qu'ils possédaient à la fois une véritable maîtrise
technique de la PS3 et un certain sens de la mise en scène. Bref, autant dire
que le dernier-né du studio est attendu au tournant par tous les possesseurs de
PS3. Ces derniers risquent pourtant d'être surpris : qu'on se le dise, The Last
of Us est tout, sauf une déclinaison d'un Uncharted en mode Zombies.
Officiellement présenté comme un survival-action, le titre prend son temps pour
nous plonger dans une ambiance oppressante. On est finalement plus proche de
l'univers de Walking Dead que de celui de Resident Evil...
Il ne vous aura pas échappé que The Last of Us ne se
positionne pas comme un jeu horrifique, c'est en grande partie lié à son
univers. Ici, il n'est pas question de mettre en scène des zombies qui seraient
tombés du ciel du jour au lendemain, le scénario s'appuie sur une infection qui
se veut probable d'un point de vue scientifique. Le Cordyceps est en effet un
genre de champignon qui dans la réalité a la mauvaise manie de se développer
dans le corps des insectes : il commence par altérer le comportement de son
hôte avant de le tuer en prenant la peine de recouvrir d'étranges excroissances
qui lui permettront de disséminer ses spores. Les scénaristes de The Last of Us
se sont contentés d'imaginer que cette infection se transmettait aux humains,
par le biais de morsures ou d’inhalation des spores. Dans cette optique, les
malheureux qui ont contracté le Cordyceps vont passer par plusieurs stades qui
vont correspondre à autant de types d'ennemis différents.
Ils commencent par être ivres de rage et par attaquer
violemment tout ce qui bouge. A ce niveau-là, on les appelle les
« runners » (ou « coureurs » en bon français), ils sont
relativement fragiles mais ils se trimbalent souvent en groupe et comme leur
nom l'indique, ils ont la fâcheuse manie de vous courir après... Petit à petit,
les infectés deviennent des « stalkers » puis des « clickers »
(les claqueurs en VF), ils sont de plus en plus défigurés par le champignon, au
point même que leur tête finit par ressembler à un énorme chou-fleur. Dans cet
état, ils sont nettement plus coriaces, il vaut mieux être sûr de son coup et
enchaîner les headshots pour s'en débarrasser. Eux par contre ne vous laissent
pas de répit : il suffit qu'ils vous attrapent pour signer votre arrêt de mort.
Heureusement, le champignon les a rendus totalement aveugles, ils sont par
contre très sensibles au bruit et mieux vaut éviter de bouger lorsqu'ils
s'approchent. Ils se repèrent en effet en émettant des petits cliquetis qui
finiront de vous glacer le sang. Vous vous doutez bien que certains infectés
ont poussé un peu plus loin la mutation, mais on vous laissera découvrir par vous-même
le résultat.
Une épidémie aussi violente a forcément mis le monde sens
dessus-dessous. Des zones de quarantaine ont été mises sur pied dans les plus
grandes villes américaines. Ces dernières sont contrôlées d'une main de fer par
l'armée. La majeure partie de la population croupit dans la pauvreté et la
grogne monte. La résistance s'organise tant bien que mal autour d'un mystérieux
groupe, les Lucioles, mais la répression militaire ne fait pas dans la
dentelle. Bref, vingt ans se sont écoulés depuis le début de l'infection mais
les choses n'ont pas vraiment l'air de s'arranger. C'est dans cet univers
glauque et violent que vous incarnez Joel, un trafiquant pas très net, ni de
première jeunesse à qui on confie une mission pour le moins surprenante. Il
doit en effet faire sortir un colis de la zone de sécurité de Boston et
l'apporter à un groupe appartenant aux Lucioles. Jusque-là rien
d'extraordinaire, sauf que le colis en question n'est autre qu'une adolescente
de quatorze ans prénommée Ellie. Les choses ne vont bien entendu pas tout
à fait se passer comme prévu et l'aventure prend finalement des allures de
road-movie post-apocalyptique à travers les Etats-Unis. C'est un voyage qui
prend son temps et qui nous donne l'occasion de découvrir en douceur et sur la
longueur, ces deux personnages et les relations qu'ils vont nouer.
Vous êtes prévenu, The Last of Us n'a pas grand-chose du jeu
d'action frénétique. Il mise plutôt sur son ambiance hors du commun pour nous
plonger régulièrement dans un état contemplatif. Ce ne sera pas une grosse
surprise pour ceux qui ont déjà fait les Uncharted, mais Naugthy Dog revient
encore une fois avec un univers graphique qui risque bien de vous taper dans
l’œil. Le moindre panorama ou le moindre décor intérieur est une œuvre d'art. Certes,
on est bien sur un jeu de fin de génération de console et on note ici ou là
quelques petites textures qui manquent de netteté, mais ces petites réserves ne
pèsent pas lourd dans la balance face à l'incroyable direction artistique qui
insuffle une véritable âme à ce monde post-apo. Ajoutez à cela une ambiance
sonore incroyable et vous obtenez un cocktail détonant. Gustavo Santaolalla
signe en effet une bande originale de toute beauté, à la fois minimaliste et
envoûtante, qui vous accompagne agréablement tout au long de l'aventure. Les
bruitages jouent aussi un rôle primordial puisque ce sont eux qui vous
indiqueront la présence d'infectés dans les parages. Histoire de ne rien
gâcher, le doublage français est plutôt de bonne facture même si on regrette quelques
petits bugs de synchronisation (qui seront, on l'espère, rapidement corrigés
par le biais d'un patch). Les puristes pourront toujours opter pour les voix
anglaises qui sont juste parfaites. N'en jetez plus, l'ambiance de The
Last of Us va littéralement vous happer et risque même de vous poursuivre
longtemps après que vous ayez lâché le pad. Tout le sel du titre réside donc
dans son rythme si particulier : on ne sait jamais vraiment quand la
contemplation va laisser place à des phases de jeu bien plus stressantes.
Les infectés ont le chic pour débarquer quand vous les
attendez le moins. Quand il n'y en a qu'un ou deux, la situation est encore
facilement gérable, les choses se corsent sérieusement lorsqu'ils arrivent avec
des potes. N'essayez pas forcément de leur faire face : devant une horde, la
fuite est parfois préférable à un acte de bravoure suicidaire. Vous vous
rendrez toutefois rapidement compte que ces infectés ne sont pas aussi
dangereux qu'il n'y paraît. Certes, vous ne ferez pas de vieux os si vous
tombez entre leurs pattes, mais il faut reconnaître qu'ils ne sont pas très
futés et qu'on peut finalement facilement anticiper leurs réactions. Notez au
passage que vous pourrez aussi croiser quelques très rares bugs d'IA qui vous
simplifieront la tâche. Bref, en vous la jouant infiltration, en prenant soin
de dégommer un à un les champignons sur pattes avec votre arc ou en les
surinant dans le dos, vous devriez vous en sortir. C'est une autre affaire
quand vous êtes confronté à des humains. Ces derniers ont la fâcheuse manie de
communiquer entre eux et feront tout pour vous débusquer ou pour vous
contourner. Les adversaires les plus aguerris vont même pousser le vice jusqu'à
vous tendre des embuscades en évitant de faire le moindre bruit pour que vous
ne puissiez pas les repérer. Finalement, même si les séquences d'action
nous promettent de jolies montées de stress, pour espérer s'en sortir, il faut
garder la tête froide et jouer intelligemment des mécanismes d'infiltration.
ous êtes un excité de la gâchette et vous vous imaginez déjà
courir furieusement droit devant vous en tirant sur tout ce qui bouge ? Vous
êtes mal tombé. Pour commencer, les niveaux ne sont pas à proprement parler des
environnements ouverts, mais ils sont suffisamment labyrinthiques pour vous
obliger à explorer les environs. Il faut aussi savoir que vos ressources
sont loin d'être inépuisables : chaque munition compte et vos armes de
corps-à-corps ont une durabilité limitée. Vous devrez donc apprendre à
économiser vos balles et vos consommables, et à fouiller consciencieusement les
moindres recoins. Votre curiosité sera récompensée puisqu'elle vous permettra
de découvrir aussi une foule de détails qui viennent enrichir l'univers du jeu.
Ce sera surtout l'occasion de mettre la main sur différents matériaux de base
qui vous serviront ensuite à crafter des trousses de soins, des cocktails
Molotov ou encore d'autres bombes artisanales bien pratiques. Vous avez aussi
la possibilité d'améliorer vos armes lorsque vous tombez sur un établi ou de
débloquer des compétences en vous gavant de pilules. Faites les bons choix, il
vous sera impossible de tout optimiser lors de votre première partie.
Si le craft et l'exploration tiennent un rôle prépondérant
dans l'aspect survie de l'aventure, c'est finalement l'infiltration qui
constitue la clef de voûte de cet édifice. On vous l'a déjà dit, il est
totalement suicidaire de foncer tête baissée, il faut donc trouver des moyens
de contourner vos adversaires ou de les prendre discrètement à revers. Préparez-vous
à passer une bonne partie de votre temps accroupi et bien planqué derrière des
éléments de couverture. Heureusement, Joel a plutôt une bonne oreille, il est
capable de localiser ses ennemis en prêtant soin aux bruits qu'ils font.
Concrètement, vous passez en mode « écoute » en pressant une
gâchette. Le monde autour de vous passe en noir et blanc, et surtout la
silhouette des adversaires bruyants apparaît clairement. Cette astuce
fonctionne bien lorsque vous avez affaire à des infectés, mais c'est un peu
plus compliqué lorsque vous avez face à vous des humains entraînés au combat
qui cherchent à vous tendre un guet-apens. Vous l'aurez compris, il faut
toujours rester sur ses gardes !
Qu'on se le dise, le solo de The Last of Us se suffit
largement à lui-même. Il nous a ainsi fallu un peu plus de 18 heures de
jeu pour arriver au bout de l'aventure. Certes, nous avons pris le temps de
bien fouiller les environnements, mais même de cette manière nous sommes passés
à côté de quelques secrets... Le joueur pressé mettra peut-être une quinzaine
d'heures pour arriver au générique de fin mais il passera alors à côté de
nombreux éléments qui participent pourtant à l'immersion. Bref, Naugthy Dog
n'avait pas à rougir du contenu de son titre mais ça n'a pas empêché le
développeur d'y ajouter un petit multijoueur histoire de combler un peu plus
ses fans autour de sept maps issues du solo. Il faut être honnête, les deux
modes ainsi proposés semblent des plus classiques sur le papier. On y incarne
soit des membres des Lucioles, soit des chasseurs dans des matchs en 4 vs 4 qui
s'apparentent finalement à du team-deathmatch ou à de l'élimination. Quatre
classes de combattants sont directement disponibles mais vous pouvez aussi
créer vos propres profils en choisissant les compétences et les armes dont vous
profiterez. Notez qu'il est aussi possible d'acheter de l'équipement au cours
de la partie un peu à la manière d'un Counter Strike.
Là où ce multi commence à se démarquer de la concurrence,
c'est dans sa façon d'introduire le craft et le fameux mode
« écoute » un peu de la même manière que dans le solo du jeu. Il faut
ainsi être encore plus vigilant que dans un multi classique, d'autant plus que
vos munitions sont ici aussi comptées. Mais c'est finalement le suivi de votre
progression globale qui risque de vous offrir les plus grandes surprises.
Chaque partie correspond à une journée et votre niveau global est simplement le
décompte des semaines pendant lesquelles votre clan a survécu. En effet, vos
victoires sur le terrain vous permettront de récolter des vivres et d'élargir
votre petite communauté virtuelle représentée à l'écran par un simple nuage de
points. La progression est à double tranchant car plus vous aurez de monde à
vous occuper, plus il vous faudra dégoter un grand nombre de rations
journalières pour les maintenir en bonne santé... Finalement, ce multi est
certes dispensable, mais il ne dénature pas l'aspect survie du titre, il
propose au contraire une alternative sympathique à la campagne et nous permet
de souffler entre deux séquences un peu trop fortes en émotions.
- 19/20